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Les méthodes qui font réussir

Danielle Alexandre, les méthodes qui font réussir les élèves, ESF éditeur, 2011.


Ceci est une fiche de lecture, avec tout ce que cela comporte de réduction, d'un ouvrage d'environ 240 pages.

 

I - Pour être sûr que tous les élèves apprennent

 

A - Comment apprend-on ? Ce que l'on sait aujourd'hui

Le travail du maître ne se limite pas à délivrer des informations et à être garant du savoir, son rôle est de créer les conditions pour que chaque élève puisse les transformer en connaissances (information appropriée par l'élève, apprise et acquise).

Le mot constructivisme désigne un ensemble de modèles théoriques de l'apprentissage qui considèrent que le savoir n'est pas reçu passivement par un individu mais qu'il est construit activement par chacun. Apprendre suppose des réorganisations mentales effectuées par le sujet lui même. Ce modèle s'oppose au modèle transmissif qui considère qu'apprendre c'est recevoir des informations. La transmission des savoirs par la seule parole, privilégiant une présentation abstraite des savoirs déconnectée de l'action est invalidée. L'activité effective de l'élève est au coeur de tout acte pédagogique.

Le socioconstructivisme reprend l'essentiel de la conception constructiviste mais montre aussi que les autres, adules ou autres enfants, ont un rôle médiateur essentiel dans la progression des apprentissages.

Le savoir ne se transmet pas, chaque individu le construit de façon singulière à partir de ce qu'il sait déjà et de ce qu'il est. Apprendre suppose de destabiliser l'équilibre existant pour accéder à un autre. L'action de celui qui apprend est un levier indispensable, des obstacles à franchir bien dosés favorisent l'apprentissage.

B - Agir sur les conceptions préalables des élèves

Une représentation erronée peut être un obstacle à l'apprentissage, pour progresser il faut substituer une représentation à une autre. Elles peuvent être organisées en système complexe très stable. Ainsi, tant que l'on continue à plaquer les structures de la langue maternelle sur une langue étrangère, il n'est pas possible d'accéder à une maîtrise satisfaisante d'une autre langue.

Chacun mobilise ses conceptions préalables de façon plus ou moins consciente pour résoudre un problème nouveau. Il n'y aura d'apprentissage réel que si les apports nouveaux peuvent s'ancrer sur les conceptions en place, ce qui suppose d'arriver à destabiliser tout ce qui peut faire obstacle (connaissances entièrement ou partiellement erronées, systèmes de pensée inadéquats...).

Tout début de séquence d'apprentissage devrait prévoir un moment pour que chacun puisse exprimer et confronter ses conceptions préalables afin d'en favoriser la prise de conscience : idée de brain-storming ou remue-méninge. L'entretien d'explication est très utile pour débusquer des obstacles profondément enkystés. Pour atteindre ce qui résiste, il faut placer l'élève face à un problème qu'il ne peut résoudre s'il se contente de ce qu'il sait.

C'est grâce à l'autre, grâce aux désaccords, aux confrontations d'avis différents, aux argumentaires opposés, que chacun va pouvoir dépasser ses propres représentations pour atteindre un niveau supérieur de connaissances.

Deux moments incontournables de toute séquence d'apprentissage : au début la destabilisation, à la fin une phase où l'on s'assure de la stabilisation d'un nouvel équilibre de connaissances, au cours desquels on prend le temps de nommer les savoirs et d'identifier les nouvelles procédures. A l'opposé d'un résumé de cours dicté par l'enseignant, la technique de dictée à l'adulte peut s'avérer utile : le prof écrit au tableau à partir des propositions des élèves une synthèse des points essentiels à retenir. Poser la question "qu'avez vous appris ?", avec réponse à l'écrit, favorise une mise en mots individuelle.

C - La situation problème : un levier pour apprendre

 Une situation problème est une situation pour laquelle on ne dispose pas d'emblée des moyens qui permettraient d'arrive à une résolution, nous confrontant aux limites de nos connaissances, nous rendant réceptifs à des propositions que nous n'avions pas envisagées et nous poussant à en inventer de nouvelles. Elle crée un espace de tâtonnement qui oblige à mobiliser toutes les ressources disponibles. Elle permet à la fois de destabiliser l'existant et d'ouvrir les portes vers des apprentissages nouveaux. Des obstacles bien identifiés par l'enseignant et adaptés aux élèves deviennent des points d'appui pour faire progresser les apprentissages.

D - Faire agir pour apprendre : un principe fondamental

 On apprend mieux, plus vite et plus durablement si l'on agit. Un cours très actif pour le prof peut avoir laissé les élèves entièrement passifs. Si l'on veut vraiment que les élèves soient actifs, cela suppose d'adopter la juste posture d'accompagnement ou de lâcher prise et de ne pas faire à la place de l'élève. Il est inutile d'apprendre par coeur ce que l'on a découvert par le tâtonnement expérimental, on s'en souviendra sans effort (Freinet).

 

II - Mobiliser tous les élèves

 Mobiliser les élèves c'est les mettre en mouvement et provoquer leur déplacement au sens intellectuel du terme. Parler de motivation renvoie la responsabilité aux élèves, les mobiliser est un défi posé à l'enseignant qui doit organiser les conditions de leur mise en mouvement.

 

A - Peut-on se mobiliser sur ce qui n'a pas de sens ?


 B - Tisser le sens des activités

On ne lance pas les élèves dans une activité sans indiquer une direction, sans la relier à d'autres activités et apprentissages, sans qu'on aide les élèves à se représenter le but de l'activité.

 

C - Faire faire, faire dire, faire intéragir, faire réfléchir

Dire à haute voix ses idées permet de les "voir" autrement, les écrire augmente leur cohérence, et les schématiser augmente leur organisation.

Les interactions sont à utiliser sans modération, moyen efficace de destabiliser les résistances aux savoirs nouveaux.

 

D - Projet pédagogique et démarche de projet

Les invariants de la démarche de projets : un projet confronte à de vrais problèmes, ce n'est pas une situation purement scolaire, il comporte une production finale, un certain degré de complexité qui exige de mobiliser des ressources variées, des obstacles à franchir nécessitant d'acquérir des savoirs nouveaux, des choix à faire en autonomie par les élèves, des régulations en fonction des manques ou des difficultés rencontrés par les élèves, une dimension coopérative.

 

E - Surprendre, diversifier les approches

Dans un "bon" cours dialogué, le prof construit pas à pas les contenus du cours en posant des questions accessibles aux élèves et s'appuie sur leurs réponses pour avancer. Mais une sous-participation des élèves paralyse la progression du cours, il n'est pas rare que le cours se déroule avec l'appui de 2 ou 3 élèves seulement, que sait-on alors de l'activité des autres ? Les questions de l'enseignant appellent en général des réponses courtes, les élèves produisent rarement une phrase complète, encore moins plusieurs phrases, la pensée n'a donc pas l'occasion de se développer pour exprimer la complexité. La focalisation sur la "participation" maximum des élèves peut se faire au détriment du sens et du développement d'une pensée organisée. Au bout du compte le cours dialogué est un modèle très actif... pour le maître (plus de la 1/2 des prises de parole le concernent) qui doit sans cesse jongler avec l'imprévu des réponses, garder le fil des savoirs visés, se débrouiller avec les silences d'une classe passive ou canaliser les interventions : il en sort épuisé. Mais que sait-on de l'activité réelle des élèves ? 2 ou 3 interventions suffisent-elles à affirmer qu'un élève a tiré profit du cours ? Que penser des silencieux ?

Une variante : le cours dialogué interactif. Ce n'est pas le maître qui valide ou invalide les interventions des élèves mais l'ensemble de la classe ou un élève désigné, il laisse plusieurs échanges s'effectuer avant de reprendre la parole pour stabiliser ce qui doit l'être, faire les synthèses, rectifier les erreurs. L'effet est sensible sur le maintien de l'attention et efficace quant au développement de l'esprit critique.

L'efficacité de toute méthode aussi bonne soit-elle peut s'émousser si elle est unique et répétitive. Pour mobiliser les élèves il faut varier les modes de sollicitation. Le mode magistral ou le mode dialogué ont tout à fait leur place à la condition de ne pas être uniques ou envahissants.

On écrit très peu à l'école, on copie et recopie beaucoup mais on produit peu de la pensée. Il faut promouvoir l'écrit intermédiaire ou l'écrit réflexif : l'élève écrit ce qu'il croit savoir, ses questions, résume ce qu'il a appris, reformule. Mettre en mots sa pensée le plus souvent possible est indispensable. Un laps de temps d'écrit en milieu de cours pour donner à chacun le temps de mettre en mots ou résumer ce qui vient d'être fait ou dit, organise un espace de réflexion propice au tissage du sens des activités et offre l'espace d'entraînement langagier nécessaire. C'est un excellent moyen de reconcentrer toute une classe.

Préparer questions et réponses pour l'équipe adverse est une façon de réviser qui ne dit pas son nom. Ce travail d'équipe permet aux élèves en difficulté d'être aussi à certains moments des vainqueurs ou en cas d'échec de ne pas la subir comme une blessure individuelle puisqu'on le partage avec les coéquipiers.

 

F - Re-mobiliser grâce à la pédagogie du contrat

 

Le contrat lie un élève aux enseignants sur un ou des objectifs précis et raisonnables pour une durée déterminée, il permet de délimiter un espace de réussite accessible pour les décrocheurs, le signer engage les deux parties, c'est un moyen de sécuriser des élèves en échec massif dépassés par l'énormité des écarts et les progrès à accomplir. 

 

III - Gérer l'hétérogénéité des élèves

La maturité cognitive et affective des élèves d'une classe diffère autant que leur développement physique.

 

A - L'hétérogénéité, obstacle ou atout ?


Tout élève a intérêt à se retrouver dans une classe de niveau élevé et les élèves des groupes homogènes faibles sont pénalisés. Les élèves forts progressent davantage quand ils sont regroupés entre eux tandis que les élèves faibles progressent moins quand ils se retrouvent ensembles. L'hétérogénéité des classes n'est pas pénalisante alors que les regroupements homogènes d'élèves faibles le sont, c'est sans doute la meilleure façon d'élever le niveau moyen selon certains chercheurs, au bénéfice des plus faibles et sans pénalisation notable des plus brillants. L'échec des classes visant des regroupements d'élèves de niveau scolaire faible (classes de transition, CPPN...) a été massif.

Gérer l'hétérogénéité implique la mise en oeuvre d'une pédagogie différenciée. Philippe Mérieu souligne qu'il n'est ni possible ni souhaitable d'individualiser complètement le fonctionnement d'une classe et que la différenciation n'est pas l'atomisation de la classe.

 

B - Mettre en oeuvre une pédagogie différenciée réaliste au quotidien


Toute situation didactique proposée uniformément à un groupe d'élèves est inévitablement inadéquate pour une partie d'entre eux (P. Perrenoud).

Pour une pédagogie différenciée au quotidien, on peut jouer sur la configuration de la classe, son organisation : travail en groupes, groupes de besoin, d'apprentissage, de recherche, de production...travail en binôme stables ou temporaires; sur les situations d'apprentissage : des situations d'apprentissages différentes pour des objectifs ou compétences identiques; sur des sollicitations cognitives différentes : méthode déductive, inductive, expérimentale, appel à la créativité...; sur la flexibilité des postures du prof : guidage variable d'un élève à l'autre; sur les tâches et les supports : tâches et support différents visant des compétences identiques ou différentes; sur le traitement des erreurs des élèves; sur l'évaluation formative; sur des rythmes de travail différents; sur l'anticipation; sur la quantité de production; sur l'entraide entre élèves; sur des devoirs à la maison différents selon les élèves; sur des aides matérielles différenciées pour traiter un même problème.

Un premier niveau de différenciation consiste à veiller à enchaîner au sein d'une même heure de cours diverses méthodes, divers supports, diverses démarches afin que chaque élève ait une chance de trouver des activités qui lui conviennent.  : c'est la différenciation successive. Avec la différenciation simultanée, l'enseignant organise simultanément des activités différentes pour les élèves, en fonction de leurs intérêts ou de leurs besoins. Il peut aussi moduler et adapter l'aide pour une même tâche (ressources ou contraintes personnalisées). Il s'agit de compenser la tendance que chaque enseignant a, consciemment ou pas, à considérer que la méthode qui lui convient le mieux est la meilleure pour les élèves. 

Il est important que les modes de sollicitation des élèves associent aspects visuels et auditifs pour ne pas risquer de pénaliser des élèves dont le profil comporte une dominante marquée.

Différencier c'est aussi faire varier les formes de guidage : lâcher prise pour les élèves très à l'aise, accompagnement plus ou moins rapproché pour ceux qui peinent. C'est aussi jouer sur les configurations : travail individuel, en binôme, en petit groupe, en classe entière.

Dans la différenciation simultanée, le prof peut proposer aux élèves des activités différentes pour un objectif identique. Il peut aussi donner les mêmes documents à l'étude pour tout le monde mais différencier par les tâches et l'accompagnement : documents plus ou moins guidés, nombre plus ou moins grand de documents à étudier, accompagnement plus ou moins grand du professeur.

 

C - Le travail de groupe : un outil privilégié de différenciation


Le levier essentiel est d'obliger chaque élève à confronter ses propositions et les procédures dont il dispose à celles des autres. Le travail de groupe débouche sur une production restituée vers la classe ou un autre groupe. On peut demander au groupe de désigner en son sein un "gardien du sujet" qui recadrera les bavardages sans rapport.

3-4 élèves constitue un bon équilibre, ne jamais dépasser 5 car il est indispensable que chacun ait un espace de parole suffisant. Proposer au plus perturbateur d'être gardien de la civilité et de l'équilibre des échanges, au plus passif d'être celui qui restituera le travail devant la classe, au rebelle d'être gardien du temps. Veiller à la rotation des responsabilités. Un travail de groupe a un début et une fin délimités.

La tâche doit présenter un degré de complexité tel qu'elle ne doit pas pouvoir être réalisable par un seul élève mais demander élaboration et coopération même si la production finale peut être individuelle.

Les groupes de besoin sont constitués en fonction des besoins des élèves, à un moment donné, sur des objectifs précis, des compétences spécifiques; ils sont souvent orientés vers des activités de remédiation ou d'approfondissement.

 

D - Gérer des rythmes différents

La quantité d'exercice doit être qualibrée aux besoins, prévoir des exercices plus complexes pour les plus rapides.

 

IV - L'approche par compétences


 A - Un concept pas si flou qu'on le dit

 Compétence désigne la mobilisation d'un ensemble de savoirs dans l'action, manuelle autant qu'intellectuelle. Elle met en jeu des connaissances de tous ordres : conceptuelles et procédurales, des savoirs, savoir-faire, savoir-être, savoir-devenir, des connaissances, des aptitudes ou capacités, des attitudes.

C'est une combinaison de connaissances fondamentales pour notre temps, de capacités à les mettre en oeuvre dans des situations variées mais aussi d'attitudes indispensables tout au long de la vie... (texte du socle commun de connaissances et compétences, 2006).

B - L'iirésistible ascension de la notion de compétence

 La compétence met l'accent sur la mise en oeuvre en situation de ressources diverses dont une grande part de connaissances. Elle est considérée acquise si elle permet la réussite d'un certain nombre de performances dans un contexte inédit.

Avec l'enseignement par compétences on ne se préoccupe plus seulement de l'acquisition des connaissances mais de leur mobilisation dans des contextes différents. Ainsi, l'enseignement de l'orthographe intègre officiellement l'application des règles d'orthographe dans tous les cahiers et productions écrites de toutes les disciplines. Les compétences orthographiques ne relèvent plus du seul champ disciplinaire du français, leur validation peut être effectuée dans n'importe quelle discipline.

Tout savoir est utile à la formation de l'esprit ne serait-ce que parce qu'il peut servir à en rendre possibles d'autres.

L'un des risques d'un enseignement trop centré sur les méthodes est d'imposer aux élèves des méthodes qui vont à l'encontre des procédures mentales déjà opérationnelles ou automatisées. Une planification excessive, une décomposition minutieuse peut imposer aux élèves des cheminements qui les encombrent.

L'approche par compétences qui prévoit des situations complexes face auxquelles l'élève devra mobiliser des ressources variées permet de mettre en synergie les apports scolaires attendus et des apports personnels singuliers propres à chaque individu.

Travailler par compétences permet de travailler sur les invariants repérables au delà du cloisonnement de chaque discipline. Il ne s'agit pas de renoncer aux disciplines mais de rechercher des points de convergence. Associer plusieurs disciplines à la validation d'une même compétence permet à chaque enseignant d'avoir une lisibilité sur ce que fait un élève au delà de sa discipline.

 

V - Evaluer pour faire progresser


A - L'évaluation : des avancées indéniables

 

Evaluer c'est attribuer une valeur à quelquechose en vue de prendre une décision. 

L'évaluation formative désigne toute démarche d'évaluation qui vise à aider l'élève à apprendre et à progresser. Elle s'effectue en cours d'apprentissage et suppose des phases de réajustement et régulation en réponse aux difficultés constatées. Elle sert à informer l'élève autant que l'enseignant sur le degré de maîtrise des objectifs fixés mais vise aussi à former et à éduquer. Elle se différencie clairement des évaluations sommatives ou certificatives qui sont destinées à faire le point en fin de parcours, à valider des acquis, à classer, à sélectionner. L'évaluation formative se définit avant tout par son intention, au service du développement optimal de chacun. L'évaluation en cours d'apprentissage permet au prof de vérifier l'efficacité des dispositifs qu'il a mis en place.

L'évaluation sommative a du sens chaque fois qu'il s'agit de faire un bilan, elle intervient à l'issue d'une séquence d'apprentissage.

L'évaluation diagnostique sert à faire le point sur les acquis et à repérer les fragilités pour mieux adapater les séquences d'apprentissage. Toute note devrait être exclue. C'est une des modalités d'une démarche d'évaluation formative.

B - Bien évaluer, c'est aussi une question de posture

 Le geste de conseil qui peut permettre d'alerter l'évalué et lui permettre de réajuster son action est tourné vers l'avenir, il donne des pistes pour que l'évalué puisse faire évoluer ce qu'il a produit, il ne se limite pas au simple constat de ce qui a dysfonctionné.

Une copie couverte d'annotations qui visent le signalement exhaustif des erreurs suscite un mouvement de recul. Les mentions "manque de rigueur" ou "manque de cohérence" ne sont pas opérationnelles car l'élève n'est pas capable de les transformer en action. Privilégier un ou deux conseils réellement applicables.

La posture d'ami critique est particulièrement efficace dans le rapport évaluatif avec les élèves : bienveillance et exigence.

C - Des outils et des critères pour mieux évaluer


Il ne s'agit pas d'évacuer la subjectivité mais de faire avec.

Un critère d'évaluation est un élément de jugement qui permet d'apprécier ce que l'on veut évaluer. L'outil est un moyen pour recueillir les informations dont on a besoin. L'indicateur est ce que l'on peut réellement observer.

L'évaluation par contrat de confiance selon Antibi : une semaine avant chaque contrôle, l'enseignant donne aux élèves une liste de questions ou exercices déjà traités et corrigés en classe. Il s'engage à donner certaines de ces questions sans modification lors du contrôle. Elles représenteront entre 12 et 16 points sur 20. Le reste de la note sera affecté à des questions hors liste. La nature ou la complexité des questions doit empêcher toute restitution par coeur. Avant le contrôle, le prof organise une séance au cours de laquelle les élèves peuvent poser toutes les questions qu'ils désirent pour éclaircir des points mal maîtrisés. Il s'agit de récompenser le travail, de rompre avec une conception de l'évaluation piège, de mobiliser les élèves par la réussite et ainsi lutter contre l'échec et le décrochage. L'un des points forts de cette méthode est de mêler des situations déjà rencontrées avec d'autres inédites.

D - Les élèves évaluateurs : des pistes de travail prometteuses

L'évaluaton formatrice suppose de veiller à l'appropriation des critères d'évaluation par les élèves ce qui permet une clarification des attentes et installe un langage partagé entre prof et élèves; d'habituer l'élève à autogérer ses erreurs, l'autocorrection doit s'accompagner de la confrontation avec l'évaluation du professeur. Il s'agit d'installer le réflexe d'un retour sur ce qu'on a fait et de repérer les élèves qui se dévalorisent ou au contraire qui se surestiment; de rendre l'élève capable de réguler lui-même ses apprentissages pour qu'il puisse se construire un modèle personnel d'action.

La co-évaluation : par exemple pour un passage par groupe à l'oral, le prof délègue à l'un des autres groupes la responsabilité de l'évaluation, qui pourra compter pour moitié, l'autre moitié étant la proposition de note du prof.

 

VI - Pour une aide efficace aux élèves en difficulté

 

A - Bousculer quelques idées reçues

 Manque d'efficacité de nombreux dispositifs d'aide car aides purement quantitatives, non différenciées et fondées sur la répétition or plutôt que refaire la même chose il faudrait faire autre chose.

Il vaut mieux anticiper l'aide plutôt que de la proposer après coup. Proposer aux élèves aux compétences de lecture mal assurées, un peu avant les autres, le texte qui servira de support à toute la classe, qu'ils s'approprient le texte grâce à ce temps supplémentaire. Avant d'aborder un contenu de programme nouveau, organiser un travail de groupe avec quelques élèves pour accorder un temps spécifique pour travailler les conceptions préalables qui peuvent faire obstacle (travail de destabilisation des savoirs faux). Pour des élèves qui ont du mal à entrer dans l'abstraction, favoriser des manipulations concrètes avant d'aborder des apprentissages nouveaux.

Le vocabulaire ne s'acquiert jamais par un seul emploi, on estime que 7 emplois contextualisés sont nécessaires à une acquisition stable : avec les élèves qui ont un lexique très étroit, mobiliser le vocabulaire en rapport avec le domaine qui sera traité ultérieurement par avance.

B - Intervenir lorsque la difficulté surgit

L'aide efficace est proposée lorsque la difficulté surgit.

Dans le tutorat entre élèves, le bénéfice existe aussi bien pour l'aidant que pour l'aidé. La nécessité d'expliquer aux autres oblige à mettre en mots la pensée et donc de la clarifier. Ce travail de retour sur les savoirs acquis se nomme métacognition, moyen de stabiliser ses acquis de façon critique. C'est une reformulation plus accessible.

C - Des stratégies d'aide mobilisables au quotidien dans l'urgence

 Aider les élèves au quotidien c'est ménager des moments de retours réflexifs, collectifs ou individuels sur ce que l'on a fait et comment on l'a fait (métacognition). Cela passe par des questions ouvertes (qu'avez vous appris ?, comment avez vous fait ?). Grâce à une prise de conscience des procédures, des méthodes et des cheminements intellectuels mis en oeuvre pour résoudre un problème, la métacognition facilite et améliore les apprentissages ainsi que leur transfert dans d'autres situations. Le travail de groupe autour d'une situation problème est un lieu privilégié pour les activités de métacognition.

Le bilan de savoir, question ouverte posée par écrit en fin de séquence d'apprentissage  (qu'avez vous appris d'important ?), permet d'identifier, nommer et organiser les savoirs acquis, de mesurer le chemin parcouru, de prendre l'habitude d'un retour réflexif sur ce qu'ils ont fait.

Reformuler ce que vient de dire un élève et le soumettre à la discussion : cela maintien les élèves en alerte, le prof organise une co-construction des savoirs par le groupe lui même. Puis le prof stabilise le savoir.

faire reformuler en direction d'un élève qui n'a pas compris, par un élève qui pense avoir compris, permet à l'enseignant d'évaluer la réception de ce qu'il a dit et de réajuster si nécessaire.

D - Les erreurs : un levier irremplaçable pour ajuster l'aide

 L'erreur n'est pas une faute, elle est inhérente au processus même de l'apprentissage. Elle permet de renseigner l'enseignant sur les obstacles qui freinent ou empêchent les apprentissages.

Organiser des temps de travail en binôme : deux élèves échangent leurs copies ou production, ils doivent signaler les erreurs à l'autre qui peut tenter de les rectifier ou en référer à l'enseignant en cas d'impasse. Cela installe l'habitude d'opérer un retour critique une fois le travail accompli.

E - Des dispositifs spécifiques d'aide personnalisée

 L'atelier dirigé est un dispositif qui permet de s'occuper d'un petit groupe d'élèves pour un accompagnement rapproché pendant que les autres élèves font autre chose.

L'entretien d'explicitation est utile aussi bien au diagnostic des difficultés qu'à leur traitement. Il s'agit de faire verbaliser par l'élève la façon dont il a agi pour produire une réponse ou effectuer un exercice. En verbalisant les procédures, l'élève en prend conscience et peut les réajuster. L'enseignant peut identifier les noeuds de résistance. L'entretien se déroule en face à face sur un travail déjà effectué, la présence d'un objet d'apprentissage déjà travaillé par l'élève est indispensable (copie...). le questionnement vise à atteindre le "comment as tu fait ? Comment as tu su que ?". L'enseignant s'interdit de faire des suggestions à l'élève. On évite complètement les questions commençant par "pourquoi" au profit de celles commençant par "comment". Quand les difficultés persistent c'est qu'il existe des procédures ou connaissances non conscientes qui sont enkystées et qui font obstacle aux réajustement indispensables à l'acquisition de savoirs nouveaux. Il faut destabiliser ces procédures ou connaissances là, pour le faire il faut les identifier. Le pourquoi appelle des réponses toutes prêtes, pour y répondre l'élève va puiser dans les savoirs conscients, ceux qui sont déjà clairement identifiés. La question clé est donc comment : comment as tu fait pour répondre cela ?. Il ne faut pas se contenter d'une première réponse mais relancer suffisamment l'entretien jusqu'à atteindre la finesse des choix effectués.

 

VII - Métier professeur : développer des compétences professionnelles

 

 A - Le professeur, les élèves, le savoir

 

Une tension excessive entre le professeur et les savoirs, un rapport au savoir sacralisé, exclut les élèves. Mais une tension excessive au profit de la relation maître-élève peut conduire à d'autres excès : dilution des savoirs au profit de la relation avec l'élève.

Pour assumer convenablement sa mission d'enseignant il faut se libérer de l'idée d'une relation fondée sur l'affectif qui ressemble à une captation narcissique qui vise à obtenir la dévotion d'enfants-reflets du maître. L'élève n'est pas la créature du maître.

La question centrale du métier est de situer la façon dont le professeur crée et organise les conditions de la rencontre entre l'élève et le savoir.

B - Adopter la bonne posture professionelle : "une petite révolution"

 Être un bon enseignant ne relève pas de l'inné.

Les postures d'aide et de soutien (étayage) apportés aux élèves :

   - La posture d'accompagnement : le maître pointe les difficultés, oriente vers les ressources disponibles pour les surmonter, laisse du temps pour réfléchir et échanger, évite d'évaluer en juste et faux.

   - La posture de contrôle : tout passe par le maître qui distribue la parole, explique les erreurs et les corrige, vérifie et valide.

   - La posture de lâcher prise apparent : le maître laisse les élèves travailler en autonomie, isolément ou en groupe.

   - La posture d'enseignement : le maître fait nommer les savoirs et réfléchir sur ce qui s'est joué pendant les phases d'activité antérieures, sur ce que les élèves ont fait, compris appris.

   - la posture dite du magicien : la dominante est ludique ou théâtrale, les savoirs sont devinés plus que réfléchis.

 La posture du magicien est séduisante par le rapport aux élèves mais dilue les savoirs. La posture de contrôle confisque les savoirs aux élèves. Une posture de contrôle excessif d'un maître qui ne laisse rien passer entraîne une dépendance des élèves qui ne réfléchissent pas, ne pensent pas mais guettent seulement les signes d'approbation du maître. A l'opposé, une posture d'accompagnement qui ne donne pas la réponse mais pointe les problèmes, fait verbaliser des solutions possibles entre les élèves, favorise une attitude réflexive.

Il n'existe pas de posture idéale, il faut être capable de flexibilité, ajuster sa posture en fonction du contexte et des besoins.

C - Comment tout faire en même temps dans l'urgence et l'incertitude

 Le multi agenda de l'enseignant : un ensemble complexe de préoccupations enchâssées : le savoir, le pilotage des tâches, l'atmosphère, le tissage (tout ce qui donne du sens à la situation d'apprentissage et aux savoirs visés), l'étayage (tout ce qui concerne l'aide et le soutien).

D - Réfléchir sur l'action

E - Les gestes professionnels d'une autorité réfléchie



Des élèves qui s'intéressent à ce qu'ils font, qui en comprennent le sens, qui ne sont pas harcelés par une évaluation continuelle qui ne leur laisse pas le temps d'apprendre et les renvoie uniquement à leurs manques, qui ne sont pas soumis à de longues phases d'écoute passive, risquent peu de poser problème du point de vue de l'autorité.

Le calme ferme, une parole maîtrisée, ont un impact plus grand sur un enfant agité que des cris qui font monter les décibels et l'excitation. Un ado qui ose s'opposer au prof n'acceptera jamais de perdre la face devant ses camarades : différer l'entretien hors de la présence des autres et redonner la parole à l'élève : expliquez moi ce qui s'est passé ? Lui donne une chance de prendre du recul.

 

 

Le décrochage scolaire, Des pistes pour agir 

Philippe Goémé – Marie-Anne Hugon – Philippe Taburet -CRDP -CNDP

(fiche réalisée par Mme Cécile Desgranges, professeur de lettres)

 

Introduction

 

            Le décrochage scolaire est engendré par la conjugaison des problèmes individuels, familiaux et économiques avec des dysfonctionnements dans l'école et dans la classe (contexte scolaire dégradé, qualité médiocre des relations enseignants-élèves, climat de classe, orientations mal supportées). Le décrochage doit avant tout interpeller les enseignants : c'est à eux de promouvoir une école dans laquelle chacun pourra trouver une place acceptable et des raisons d'y rester.

 

Chapitre 1 : Recréer des liens avec des adultes dans l'école pour réinstaurer la confiance

 

            Un moment à risque pour le décrochage scolaire est la transition école/collège.

 

            La parole enseignante souvent réprimande, évalue, oriente, exclut. L'enseignant doit réapprendre la confiance par une écoute bienveillante pour réinstaller cette confiance qui n'est pas accordée d'emblée. Il s'agit de devenir partenaires pour construire un parcours où tous sont d'accord.

 

            Pour favoriser un retour de la confiance, il faudrait désigner un professeur référent qui aurait pour mission de soutenir le jeune dans son parcours, par le biais de rencontres officielles et cadrées ainsi que des échanges informels. Au départ, il faut prendre la parole de l'élève comme telle, sans jugement de valeur, ne pas chercher à vérifier. On est dans le processus de reconstitution de l'estime de soi et il s'agit de donner de la valeur à la parole du jeune. Le jeune risque d'employer des stratégies d'évitement : oublis de rendez-vous, refuge dans des discours qu'on croit attendus. Il est préférable de ne pas mettre en place de contrat, ce qui serait une pression qui reviendrait régulièrement, il vaut mieux privilégier l'écoute. On peut fixer des objectifs évalués régulièrement dans un conseil de progrès (structure collective différente du conseil de classe qui sanctionne des résultats). Il ne faut pas dissocier l'adulte référent des autres enseignants : il est la parole de l'équipe enseignante. Grâce à lui, la confiance doit se rétablir entre le jeune et l'ensemble du corps enseignant.

 

            Décrochage signifie toujours isolement. Il va donc aussi falloir que le jeune se reconstruise comme individu au sein du collectif.

 

            Le jeune doit être sujet de son parcours, non objet. Il faudrait donc changer les pratiques d'évaluation et la façon d'appréhender les écarts à la norme et les transgresions. Il ne faut jamais cautionner les écarts à la règle, mais il faut savoir s'ajuster aux situations vécues. Il faut faire des constats objectifs pour rebondir et réajuster le parcours, sans jamais émettre de jugements de valeurs. Les bilans périodiques devront être dressés au vu des projets de chacun, non des attendus disciplinaires.

 

Chapitre 2 : Une ressource : le temps scolaire

 

            Il faudrait réorganiser le temps socolaire pour le bien-être de tous, en équilibrant des temps conviviaux, des cours magistraux et des temps de travail individuel. Varier les activités et les formes de travail permettra de faciliter l'attention. En planifiant le travail sur l'année, on pourra même prévoir des semaines interdisciplinaires. Il est important de décloisonner les enseignements enfermés dans des séquences. Il faut arriver à limiter la percellisation des enseignements sans lien les uns avec les autres. Il faudrait employer son temps de façon plus constructive, avec des activités qui prennent sens. Les bilans doivent être fréquents pour voir si on arrive aux objectifs fixés (toutes les 6 semaines par exemple) : cela évite le couperet trimestriel. Il sera toujours positif de commencer une séance par un échange informel qui permettra de s'installer dans le travail.

 

Chapitre 3 : Construire ou reconstruire un projet personnel authentique

 

            Projet personnel ne signifie pas projet d'orientation, qui reste très abstrait. L'élève doit parvenir à construire progressivement son projet personnel en fonctionnant par tâtonnement : rencontres, stages, hypothèses lui permettront d'affiner et de réajuster son projet. Avec son professeur référent, l'élève pourra s'évaluer en fin de séquence (6 semaines) sur les points suivants : assiduité, ponctualité, rendu des devoirs, rapport aux professeurs, rapport aux autres élèves, progression scolaire.

 

            Pour arriver à construire un projet personnel, la participation à des projets collectifs est parfois fondamentale. En effet, les capacités d'un groupe sont plus importantes que la somme des compétences de chacun de ses membres. Les activités collectives sont rassurantes car elles permettent de s'impliquer dans le groupe et de ne pas affronter ou s'affronter à la réflexion sur soi. Cela permet de découvrir ses capacités et ses ressources pour penser à un projet individuel.

 

Chapitre 4 : Tisser des liens avec les familles

 

            Souvent, le lien familial est dégradé chez les élèves décrocheurs, que le décrochage soit l'origine ou la conséquence du lien rompu. Il faut retisser un lien école-jeune-famille. Reconstruire le lien entre le jeune et sa famille, c'est lui permettre de raccrocher. Pour les parents, il s'agit de restaurer l'image de soi en tant que parent, en tant qu'adulte, abîmée par les échecs scolaires ou/et éducatifs de leur enfant. Le professeur tuteur doit être joignable et accessible. Il faut solliciter l'implication des parents dans le fonctionnement de l'institution. Toutefois, si les parents sont des partenaires privilégiés, le jeune doit rester l'interlocuteur central.

 

Chapitre 5 : Travailler en réseau et en partenariat à l'école et dans la ville

 

            Les enseignants doivent travailler avec les éducateurs, les psychologues, les assistants sociaux. La frontière entre institutions doit être poreuse. Pour que le lien fonctionne et soit positif, on ne doit pas perdre de vue que c'est le bien du jeune l'objectif, et qu'on ne remet pas en cause les compétences et la professionnalité d'autrui.

 

            Reprendre sa place dans l'espace scolaire ne prend sens que si, dans le même mouvement, le jeune raccrocheur d'école arrive à en retrouver une dans la cité et dans la société globale.

 

            Les enseignants devront apprendre à accepter qu'on apprend aussi bien dans que hors de l'école. Les stages hors école dans des associations par exemple permettent aux jeunes d'en découvrir les exigences : respect des horaires, des calendriers, des responsabilités. Cette confrontation au réel, sans écran protecteur, oblige à se décentrer de ses propres préoccupations et est très formatrice.

 

            Le lien entre institutions permet de déscolariser les apprentissages scolaires et de leur redonner du sens.

 

Chapitre 6 : De quelques ruses professorales pour redonner le goût d'apprendre

 

            Une période classique de décrochage est janvier (on est loin de l'enthousiasme du début et loin de l'échéance finale, ce qui incite à la démotivation) ou le printemps (quand les examens finaux se rapprochent et qu'on se sent incapable de les réussir).

 

            Pour que ceux qui ont une conduite régulièrement absentéiste puissent revenir en cours, il faudrait :

 

-        accueillir toujours chaleureusement celui qui revient

 

-        donner les moyens pratiques de récupérer les séances qu'il a manquées (faire des séquences courtes limite les effets des absences : on accumule moins de lacunes)

 

-        monter des actions collectives pour consolider l'appartenance au groupe et aborder de façon moins formelle les contenus.

 

            Pour en finir avec cette confusion toxique entre jugement sur le travail et jugement sur la personne, ce qui paralyse les élèves, on peut supprimer les notes pendant un temps. Ainsi, les élèves peuvent prendre le risque de s'engager dans une production et peuvent retrouver confiance en eux. On peut ensuite revenir progressivement à la notation : chaque élève choisit le moment où il souhaite revenir aux notes.

 

            Pour éviter le décrochage, il faut redonner du sens aux apprentissages. Les travaux pluridisciplinaires y contribuent. Travailler des questions ambitieuses peut permettre de reprendre confiance et de se relancer dans une activité intellectuelle. C'est valorisant. Les matières artistiques peuvent servir de levier de raccrochage (de même que la philosophie et les sciences économiques et sociales au lycée).

 

            Pour que la pratique enseignante présente cohérence et efficacité, les enseignants doivent absolument travailler en équipe.

 

Chapitre 8 : Retrouver une image de soi acceptable : paroles d'anciens élèves

 

            C'est le sentiment d'avoir été disqualifiés, méprisés même par l'école, en premier lieu par les enseignants, qui a poussé les décrocheurs en dehors de l'école. Il ont toujours ressenti la même souffrance de ne pas avoir été reconnus. Les professeurs doivent d'abord se battre contre tout ce qui blesse, tout ce qui empêche : le jugement négatif ou l'indifférence des parents et des enseignants, l'accent porté sur les insuffisances et jamais sur les forces, la réduction de la personne à ses performances. L'école doit jouer un rôle de protection ou de réparation contre les difficultés de la vie de famille, elle doit permettre de s'évader ; or, trop souvent elle enferme dans un « tu n'arriveras à rien ». De nombreux élèves sont aussi enfermés dans un rôle (l'agité, le lent, le clown, le nul...) dont ils n'arrivent plus à sortir.

 

            Pour les raccrocheurs, ce qui leur a permis de revenir est :

 

-        la relation avec les enseignants et le bon climat (pas de tensions)

 

-        tous les projets personnels sont pris au sérieux, quels qu'ils soient

 

-        il y a plus d'échanges en classe, le travail collectif (l'élève n'attend pas)

 

            Le décrocheur a une estime de soi dégradée : soit il disparaît (comportement défaitiste, honte), soit il essaie de remonter son estime de soi par un comportement rebelle (perturbateur, insolent). Dans tous les cas, pour raccrocher, il faut que les élèves retrouvent une bonne estime d'eux-mêmes.

 

Conclusion : Vers de nouvelles professionnalités enseignantes

 

            Les propositions exposées dans le livre suggèrent une autre approche de l'exercice du métier d'enseignant, de ses modalités et de son périmètre. Pour essayer de les mettre en place, il faut :

 

-        ne plus travailler seul : les enseignants doivent faire équipe, partager les projets et les difficultés. Ceci implique une confiance entre adultes, du temps, de la disponibilité. Des temps de concertation doivent être intégrés à l'emploi du temps et faire partie du service.

 

-        suivre davantage les élèves que les programmes : il faut mettre en place une pédagogie différenciée, des évaluations formatives et être souple en matière organisationnelle.

 

-        accompagner les élèves, construire des relations individuelles entre enseignant et élève. Ces temps d'accompagnement individuel (tutorat) doivent être inscrits dans l'emploi du temps de chacun, élèves et professeurs.

 

-        développer des réseaux d'intervention professionnelle : pour le bien de l'élève, les professeurs doivent être capables de rencontrer, de négocier et de travailler avec d'autres professionnels.

 

-        avoir le soutien du chef d'établissement, indispensable pour la mise à disposition des moyens nécessaires

 

-        bénéficier d'un accompagnement aux projets : expliquer à quelqu'un d'extérieur, en dehors de toute relation hiérarchique, permettra d'évaluer et de redéfinir les projets. Cela aidera à la communication par rapport aux différents interlocuteurs (parents, hiérarchie...).